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Rapport « Universités et Territoires » de la Cour des Comptes : pour le Hcéres, autonomie-responsabilité-évaluation constituent le tryptique sur lequel doit se fonder le nouveau Pacte universitaire

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Aujourd'hui, jeudi 9 février, le Hcéres répond à la publication du rapport « Universités et Territoires » de la Cour des Comptes.

Avec la publication du rapport « Universités et Territoires », la Cour des Comptes poursuit son exploration du champ de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) et des politiques publiques qui le traversent.

D’un rapport à l’autre, la Haute juridiction dresse des diagnostics et propose des scénarios préférentiels choisis entre diverses options. Au-delà de sa mission traditionnelle de contrôle, elle concourt ainsi au débat public et donne l’occasion aux autorités publiques et aux acteurs de l’ESR de prendre position sur les évolutions qu’elle préconise. Le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), en tant qu’agence nationale d’évaluation que le pays s’est donnée il y a plus de quinze ans, est l’un de ces acteurs désormais installé dans le paysage. À ce titre, il se doit de participer au débat.

L’inscription des universités dans leur territoire est un sujet essentiel dès lors que le territoire est bien compris lato sensu : l’espace géographique certes, mais aussi l’espace scientifique et thématique, l’espace d’attractivité et de compétition comme l’espace des alliances et des partenaires. Cette définition revient en fait à définir le territoire aux diverses échelles sans se limiter au strictement « territorial » et à le considérer finalement comme l’espace de déploiement des diverses missions de des universités. Dès lors, chaque université a son propre territoire.

Le rapport de la Cour conforte l’idée, retenue depuis longtemps par le Hcéres, que chaque université a une personnalité propre et accomplit ses missions d’une façon spécifique qu’il convient aux tutelles comme aux partenaires de prendre en compte. C’est ce que fait l’évaluation en appréciant la qualité des réalisations et des résultats, en mettant en lumière toutes les formes d’excellence comme les lacunes et faiblesses auxquelles il convient de remédier. Dès lors le Hcéres en tire la même conclusion que la Cour d’une part, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche d’autre part (MESR) : aller vers un modèle de plus en plus individualisé, jusqu’aux politiques d’allocation des moyens. C’est ce que dit la loi, c’est ce que fixe comme un objectif désormais à atteindre la Ministre avec les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance.

De façon étonnante, la Cour ne reprend pas ce mot de « performance » qui pourtant donne un sens à l’évolution qu’elle préconise et assigne à l’évaluation un rôle majeur. Il est d’ailleurs significatif que le mot même d’évaluation – comme le note France Universités – soit peu utilisé dans le rapport et que les rares fois où il figure, c’est quasi-exclusivement dans le sens de l’évaluation de l’impact économique des établissements, sujet certes important, mais qui ne peut résumer la performance des établissements dans leurs deux missions centrales : la formation et la recherche. Il n’y aura pas de mesure de la performance sans une évaluation solide de l’exercice des missions, une évaluation qui dise le vrai.

Pour permettre cette relation plus individualisée avec les universités, la Cour appelle de ses voeux une catégorisation des établissements dont elle propose les contours, la définition d’un cadre national de référence et un dispositif déconcentré renforcé avec de nouvelles compétences, tant sur la négociation des contrats que sur l’accréditation des établissements à délivrer les diplômes. Ces pistes vont faire incontestablement débat en ce qu’elles aménagent le rôle de l’Etat dans la régulation du système sans réellement
le faire évoluer, elles promeuvent une catégorisation des établissements dont l’histoire récente montre les limites et même les effets pervers et appellent, au nom d’un rapprochement avec la réalité du paysage et avec les dynamiques territoriales, à une tutelle plus forte des autorités académiques.

Dans le contexte universitaire et scientifique européen et international dans lequel il déploie son action, le Hcéres ne peut complètement partager ces perspectives dont il doute qu’elles soient souhaitables, ni même d’ailleurs réalisables. Il pense que la seule voie possible est celle d’une véritable autonomie responsable des universités dont les actions, par leur diversité même, conduisent à mieux répondre à la variété des objectifs fixés au système ESR par la Nation, un système régulé par une évaluation fondée sur
l’appréciation des résultats réellement obtenus. Diverses études internationales ont d’ailleurs démontré que le rapprochement de la tutelle et l’approfondissement de l’autonomie étaient incompatibles. Au moment où la parution du nouveau baromètre de l’EUA (European University Association) sur l’autonomie est annoncée, on peut regretter que la Cour - qui évoque très peu l’autonomie – semble s’en tenir à un système étatique modernisé plutôt que de miser sur une responsabilité renforcée des acteurs. Au lieu d’envisager une tutelle administrative de proximité, il y aurait avantage à ce que les autorités académiques voient renforcer leur rôle d’animation et de vigie tant sur les innovations repérées que sur les lacunes observées et leur mission de facilitation des relations partenariales avec les collectivités territoriales.

Si France Universités regrette également le trop faible accent porté sur l’autonomie et sur l’évaluation, le Hcéres doit rappeler qu’une autonomie renforcée suppose que les universités attestent leur capacité à maîtriser les marges de manoeuvre que leur laisse cette autonomie et finalement à piloter effectivement une vraie politique de recherche et une vraie politique de formation. Le Hcéres entend d’ailleurs à l’avenir apprécier explicitement le degré de maîtrise par les établissements de leur autonomie. Autonomie
– Responsabilité – Évaluation constituent pour le Hcéres le triptyque sur lequel doit se fonder le nouveau Pacte universitaire et l’allocation des moyens qui en conséquence le soutiennent.

Enfin la Cour s’attarde sur les évolutions récentes de ce qu’on nomme « université ». Sans entrer dans ce débat statutaire qui relève des compétences propres de l’État, le Hcéres tient cependant à rappeler que tout établissement d’enseignement supérieur qui souhaite se voir reconnaître comme tel – sans même une quelconque obligation – se doit de rechercher une évaluation externe par un tiers légitime. Le Hcéres, en tout état de cause, n’entend pas refuser à un quelconque établissement, en raison de son seul statut, une évaluation qui serait sollicitée auprès de lui.

Pour conclure, le Hcéres rappelle que l’action de simplification et de clarification qu’il a engagée ces derniers mois vise à renforcer l’utilité de l’évaluation pour l’ensemble des acteurs, établissements comme collectivités publiques, acteurs économiques, familles et étudiants. Ces évolutions doivent s’appuyer une structuration efficace et une problématisation des données dont les acteurs, le ministère et l’agence d’évaluation disposent. C’est la mission que s’assigne le Hcéres avec la création de l’Observatoire de l’Enseignement Supérieur (OES), et qui devra faciliter tous les efforts de pilotage, de contrôle et d’évaluation de l’enseignement supérieur comme des politiques publiques qui les traversent.

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