Rapport d’évaluation FR

Université Bordeaux-Montaigne

Type : Rapports d'établissements/organismes
Campagne d'évaluation : 2020-2022 (vague B) - Publié le : 27/09/2022
rapport_UBM

Observations du Président du Hcéres

L’évaluation de l’Université Bordeaux Montaigne (UBM) a été conduite par un comité d’experts présidé par le Recteur Daniel FILÂTRE, Professeur des universités en sociologie, ancien Président de l’Université Toulouse 2 - Jean Jaurès.

L’UBM a fait le choix de ne pas s’intégrer dans la nouvelle Université de Bordeaux, créée en 2014 par fusion des trois autres universités du site. Elle revendique pleinement ce choix stratégique qu’elle justifie par la spécificité de ses disciplines scientifiques qui relèvent du domaine des arts, lettres et langues et du domaine des sciences humaines et sociales. Elle porte ainsi l’ambition d’apporter une contribution spécifique et originale qui requiert selon elle un positionnement singulier et une différenciation nette sur le site universitaire de Bordeaux. Le comité d’experts s’est en conséquence particulièrement intéressé à apprécier comment l’université a su pendant les cinq années de la période sous revue assumer cette ambition et quels en ont été les résultats mesurables.  

C’est bien entendu d’abord sur la recherche et la formation que l’attention des experts s’est portée.  

Or le projet scientifique de l’université – marque essentielle de sa signature spécifique – est apparu insuffisamment ambitieux et trop faiblement structurant. Hormis le domaine de l’archéologie où l’excellence nationale de l’établissement est reconnue, l’horizon de l’action scientifique se limite trop à un ancrage régional et territorial. Les priorités scientifiques précédemment retenues ont été abandonnées par souci de ne laisser aucun champ de côté. Mais, pour le comité, cette absence de choix scientifiques clairs est problématique et il recommande fortement d’y renoncer. Cela permettrait en outre de mieux assurer le positionnement de l’université dans son environnement, d’affermir les bases d’une nouvelle coopération sur le site, notamment avec l’université de Bordeaux qui comprend aussi un secteur SHS et, enfin, d’espérer de meilleurs résultats aux appels à projets nationaux et européens. Un véritable pilotage scientifique reste à mettre en œuvre, intégrant pleinement une politique de valorisation aujourd’hui entravée tant par un positionnement peu visible de l’UBM sur le site et par une vision trop étroite de l’action à conduire. Si l’université s’engageait dans la voie recommandée par le comité, elle disposerait de deux atouts qui constitueraient des points d’appui solides et consensuels : d’une part la réussite de l’école doctorale unique plébiscitée comme permettant l’harmonisation des pratiques et le développement de l’interdisciplinarité, d’autre part un modèle de gouvernance de la recherche reconnu et approuvé par la communauté. L’enjeu est désormais d’élaborer une véritable politique scientifique structurée et de piloter réellement les priorités qui devront être définies.  

Si le positionnement de l’UBM en recherche apparaît paradoxal dès lors que la différenciation revendiquée ne s’accompagne pas d‘axes scientifiques fortement identitaires, il en est d’une certaine façon de même en matière de formation. L’UBM affiche une ambition particulièrement forte dans ce domaine. Elle se veut une université ouverte à tous, une université de proximité qui valorise ses disciplines « dans et pour la société » et qui s’attache à la réussite des étudiants. Or, au plan quantitatif, malgré le foisonnement des dispositifs mis en place, les divers indicateurs mesurant la réussite des étudiants sont inférieurs aux moyennes nationales et l’activité de formation continue est particulièrement faible. Le comité considère ces résultats comme décevants voire inquiétants. Au plan qualitatif, il estime que l’université devrait s’investir dans la recherche de contenus de formation innovants qui affirment davantage sa personnalité propre, que l’ouverture vers le monde professionnel est encore trop balbutiante et que la stratégie internationale reste peu lisible et insuffisamment développée, notamment dans la mise en œuvre de cursus en langues étrangères et de partenariats internationaux structurants. Ces faiblesses sont liées pour le comité à la difficulté pour l’UBM d’assumer sa volonté d’accueillir le plus grand nombre d’étudiants en licence sans renoncer à la promotion indispensable de l’excellence scientifique et de l’attractivité internationale dans ses domaines de compétence les plus reconnus. Ces difficultés et faiblesses traduisent un défaut de pilotage de l’offre de formation, notamment au nom d’une pleine subsidiarité de compétences dévolue aux composantes. C’est ainsi que, malgré l’existence pointée par le comité de parcours à très faibles effectifs, l’UBM a préféré, pour assurer la soutenabilité de l’offre de formation, réduire les volumes horaires plutôt que d’améliorer la structuration d’une offre pléthorique et de développer une politique plus qualitative. Cette situation conduit le comité d’experts à recommander à l’UBM d’adopter des orientations stratégiques claires pour structurer une offre de formation attractive et budgétairement soutenable, de développer l’innovation pédagogique et l’approche par compétences, de renforcer les liens avec le milieu socio-économique, d’améliorer l’insertion professionnelle des étudiants et enfin d’accroître sa visibilité à l’international.  

Le comité a tenu à souligner trois points forts de l’UBM qui doivent être préservés. En premier lieu, après les turbulences connues dans le passé, le climat est apaisé et l’établissement montre le souci constant de promouvoir un modèle de gouvernance consensuel et partagé qui s’appuie pleinement sur l’investissement déterminé des personnels, des composantes et des services et respecte leur profond sentiment d’appartenance à l’université. Ce souci louable le conduit à mettre en œuvre de multiples formes de concertation, ce que le comité salue tout en alertant sur le risque de déposséder de fait les instances représentatives. Le consensus établi doit désormais offrir les conditions d’une structuration plus forte des politiques à l’œuvre et d’un réel pilotage stratégique et opérationnel dans les domaines principaux d’activités, faute de quoi le consensuel ne saurait produire des avancées pour l’établissement. En deuxième lieu, l’UBM soutient par une politique volontaire et mobilisatrice une vie étudiante et une vie de campus foisonnantes et dynamiques ; les associations d’étudiants ont toute leur place dans l’établissement, qui les associe de façon permanente à la gouvernance et entretient une culture de l’engagement étudiant. Cette politique est concertée dans des instances prévues à cet effet et animée par une vice-présidence étudiante efficace. Un point faible cependant : l’évaluation des formations et des enseignements par les étudiants n’est, malgré l’obligation, toujours pas en place. Enfin le comité souligne que, tranchant avec d’autres domaines de gestion, la politique immobilière est conduite par un pilotage stratégique et opérationnel exemplaire, vecteur fort, aux yeux des experts, de la mise en œuvre d’une vraie politique en matière de développement durable, responsable et sociétal.    

Au total le rapport d’évaluation donne à voir un décalage encore trop fort entre l’ambition théorique affichée et les réalisations telles qu’elles peuvent être mesurées, entre le positionnement de cavalier seul choisi et revendiqué sur le site et le flou qui subsiste sur la personnalité propre de l’UBM, entre la recherche constante du consensus et la capacité opérationnelle de mener une politique, de fixer des objectifs et des priorités, et d’avancer vers le cap défini… Le comité d’experts précise les conditions qui rendront les choses possibles : un système d’information global et intégré permettant le suivi des activités, l’amélioration continue et le pilotage de l’établissement, des orientations stratégiques clarifiées en recherche, en formation et en matière internationale, une politique RH (y compris salariale) attractive et adaptée aux nouveaux besoins et aux compétences à mobiliser, enfin la clarification et la formalisation des coopérations avec l’université de Bordeaux.  

Le comité d’experts reconnaît que les échanges menés avec la nouvelle équipe présidentielle montrent la lucidité de la gouvernance sur les défis à relever et les chantiers à conduire.  

L’UBM aurait dès lors pour les experts tout avantage à abandonner une posture purement théorique pour s’attacher aux faits et aux résultats réels pour les améliorer, à conduire sa propre politique plutôt qu’à se contenter d’une position défensive qui confine parfois au repli identitaire. Une telle évolution implique que l’établissement soit en capacité de définir des priorités, de faire des choix et de se doter des instruments pour les mener à bien. C’est dans cette voie que le comité l’invite à s’engager.    

À l’issue de cette évaluation, il semble clair pour le Hcéres que le futur contrat quinquennal gagnerait à être focalisé sur les points évoqués dans le rapport du comité d’experts qui conduiront l’Université Bordeaux Montaigne à affermir la définition de ses axes prioritaires dans ses grands domaines d’activités et qui l’outilleront réellement pour lui permettre d’agir et de piloter ses politiques en suivant continûment l’évolution des résultats obtenus.

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